
J'ai du revenir à Lilia
Jeannine avait 6 ans en 1939 et habitait Brest. Pendant la guerre, elle sera réfugiée à Kervenni, Plouguerneau.
« Faut faire avec, comme on dit à Brest »
Quelques semaines après sa naissance au Reun, à Lilia-Plouguerneau, les parents de Jeannine Simon l’emmènent vivre à Brest, pour une autre vie. Mais en 1942, l’intensité de la guerre la déracine. La famille revient se blottir dans une petite ferme aux murs non-extensibles et s’efforce de grandir, malgré le campement allemand voisin, à Kervenni. La vie de Jeannine se construit et se reconstruit ainsi, pétrie de cette urgence d’aller de l’avant. Elle partage son expérience avec sa petite fille Fanny, pour ce 13ème témoignage de 'Nos chemins de liberté'.
Nos chemins de Liberté est un documentaire porté par la Mairie de Plouguerneau (Finistère) et sa médiathèque, pour révéler les récits de vie de ses plus anciens habitants : celles et ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale, la libération puis la construction d'un jumelage avec une ville allemande.
Chaque témoignage, collecté par un collectif d'habitants, fait ensuite l’objet d’un podcast, ainsi que d’un portrait photographique, réalisé dans un lieu emblématique de la commune, évoqué en entretien.
___
Citation
« C’est une histoire de cinéma
Une mamie de Brest qui, pour les fêtes de Noël,
envoie un colis à sa petite fille de Paris
Ce colis, elle l’a emballé avec une feuille du Télégramme
Alors quand le colis arrive là-bas c’est comme un message secret jeté à la mer
Le Télégramme, pour les Bretons d’ailleurs, c’est comme une trace d’ici
En ouvrant le colis, le mari récupère la page
Il la scrute, la parcourt et…
Il y un article sur Plouguerneau
Un article qui parle de 'Nos Chemins de Liberté'
Alors les deux parisiens ils se disent que ça c’est un signe
C’est la mamie qui leur fait une demande sans leur dire réellement
Ils nous contactent et tombent sur Géraldine
Et Gégé elle aime les histoires comme ça
Les belles histoires
En plus à cette époque on ne trouvait personne qui avait vécu à Lilia
Et cette mamie là, si !
Gégé elle prépare la rencontre
C’est sa spécialité
Elle tisse des liens pour créer de la confiance partagée
Alors à la fin du mois de mars, cette mamie de Brest et sa petite fille de Paris sont venues ici
À Lost an aod
Cette mamie c’est Jeannine
Sa petite fille c’est Fanny
Et ces deux-là elles nous fendent le cœur
Leur récit est celui d’un bébé qui quitte Lilia dès sa naissance
Car ses parents s’installent sur Brest
Ils vont à la ville et changent un peu de vie
C’est en migrant qu’on peut voir la vie changer
La ferme devient HLM
Le trois pièces, ses commodités
Avec tout le confort d’une vie urbaine
La vie moderne quoi
Pas celle de Tati tout de même
Presque
Du moins nous on y croit
On l’espère
Mais la guerre arrive
Trop vite
Trop tôt
Elle met un arrêt à cette modernité
Elle met un arrêt au rêve d’une meilleure vie
Pas celle où l’argent rentre plus vite
Mais juste celle où c’est un peu plus facile
Moins rude
Moins pénible
Alors la famille de Jeannine revient à Lilia
Dans la ferme familiale
Sans eau, ni électricité, ni commodités
Une vie de rien
C’est sans doute ce qu’on appelle la survie
Celle du peu
Du manque aussi
Alors Jeannine elle voit tout ça
Elle sent et ressent la marche arrière
Le retour à la case départ
Elle trouve ça un peu injuste tout de même
Et on la comprend
On pleure avec elle
Faut dire qu’en l’écoutant elle devient un peu notre mamie à nous aussi
Sa vie est cloisonnée à la ferme
Avec le campement Allemand juste à coté
Et eux ils ont le confort de la vie moderne qu’elle avait sur Brest De la nourriture
De l’électricité
De la musique
De la joie aussi
Mais bon, on fait avec quoi
Jeannine elle tente de faire avec
Mais elle a arrêté de respirer
Alors quand la guerre se termine elle se dit que ça va repartir
Que le retour sur Brest ce sera le retour du progrès
Mais Brest est sous terre
Et les constructions vont se faire attendre
Alors on se contente des baraquements
Puis du HLM
On est content pour Jeannine car on sent que c’est repartie pour elle
Comme avant la guerre
On a envie d’applaudir et de la prendre dans nos bras
Mais Jeannine va perdre son mari
Encore une guerre quoi
La guerre de l’absence
D’une famille amputée
Et pour Jeannine la famille c’est un tout undissociable
Mais notre mamie elle lâche rien
C’est un résistante
Elle retourne à la case départ
Pour tout reconstruire
Jeannine c’est une bâtisseuse
Elle franchit les cols de l’existence avec ses petits pieds
Elle lâche rien
Elle ne subit pas, elle éprouve
Elle se forme par les épreuves
Elle est belle à écouter
À voir aussi
On se dit que Fanny elle a de la chance d’avoir une grand-mère comme ça
Qu’en voulant que sa mamie témoigne elle nous a fait un sacré cadeau
Que sa Jeannine ça l’universalise
Qu’elle devient un peu notre grand-mère à tous et toutes
Jeannine elle voulait transmettre sa vie qu’à sa famille
Que c’était suffisant pour elle
Qu’il faut savoir rester discrète
Ne pas trop se montrer
Par pudeur et aussi respect des autres membres de la famille
Elle a raison
Mais Jeannine elle ne sait pas une chose
Avec ce récit elle est devenue la mamie de tout le monde
Et on est aussi un peu de sa famille maintenant
Elle a tout compris Jeannine
Et Fanny elle a bien fait de l’amener à nous
De l’amener à vous "
Thomas Troadec, sociologue et réalisateur, agence Catalpa
Nos chemins de Liberté : un projet porté par la Mairie de Plouguerneau avec sa médiathèque « Les trésors de Tolente »
-
Équipe municipale, coordinatrice du projet
Yannig Robin, maire de Plouguerneau, Frédéric Moritz, chargé des archives de la mairie et Christine Legal, chef de service Lecture publique, responsable de la médiathèque et du projet Nos chemins de Liberté
-
Équipe bénévole en charge des entretiens avec les habitants
Christine Legal, Yannig Robin, Christophe Jacq, Léane Kervella, Cannelle Duniau et Emile Verdier
pour les entretiens en langue bretonne : Yannig Robin et Soazig Daniellou
et pour assister dans les photographies : Nastasja Terrom
__
-
Conception et réalisation : agence Catalpa - création documentaire et communication
Réalisation, entretiens, podcasts, photographies : Thomas Troadec
Graphisme : Stéphanie Plateau
Musique : Alexandre Varlet
Coordination, communication : Géraldine Genin
« Faut faire avec, comme on dit à Brest »
Quelques semaines après sa naissance au Reun, à Lilia-Plouguerneau, les parents de Jeannine Simon l’emmènent vivre à Brest, pour une autre vie. Mais en 1942, l’intensité de la guerre la déracine. La famille revient se blottir dans une petite ferme aux murs non-extensibles et s’efforce de grandir, malgré le campement allemand voisin, à Kervenni. La vie de Jeannine se construit et se reconstruit ainsi, pétrie de cette urgence d’aller de l’avant. Elle partage son expérience avec sa petite fille Fanny, pour ce 13ème témoignage de 'Nos chemins de liberté'.
Nos chemins de Liberté est un documentaire porté par la Mairie de Plouguerneau (Finistère) et sa médiathèque, pour révéler les récits de vie de ses plus anciens habitants : celles et ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale, la libération puis la construction d'un jumelage avec une ville allemande.
Chaque témoignage, collecté par un collectif d'habitants, fait ensuite l’objet d’un podcast, ainsi que d’un portrait photographique, réalisé dans un lieu emblématique de la commune, évoqué en entretien.
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Citation
« C’est une histoire de cinéma
Une mamie de Brest qui, pour les fêtes de Noël,
envoie un colis à sa petite fille de ParisCe colis, elle l’a emballé avec une feuille du Télégramme
Alors quand le colis arrive là-bas c’est comme un message secret jeté à la mer
Le Télégramme, pour les Bretons d’ailleurs, c’est comme une trace d’ici
En ouvrant le colis, le mari récupère la page
Il la scrute, la parcourt et…
Il y un article sur Plouguerneau
Un article qui parle de 'Nos Chemins de Liberté'Alors les deux parisiens ils se disent que ça c’est un signe
C’est la mamie qui leur fait une demande sans leur dire réellement
Ils nous contactent et tombent sur Géraldine
Et Gégé elle aime les histoires comme ça
Les belles histoires
En plus à cette époque on ne trouvait personne qui avait vécu à Lilia
Et cette mamie là, si !Gégé elle prépare la rencontre
C’est sa spécialité
Elle tisse des liens pour créer de la confiance partagéeAlors à la fin du mois de mars, cette mamie de Brest et sa petite fille de Paris sont venues ici
À Lost an aod
Cette mamie c’est Jeannine
Sa petite fille c’est Fanny
Et ces deux-là elles nous fendent le cœurLeur récit est celui d’un bébé qui quitte Lilia dès sa naissance
Car ses parents s’installent sur Brest
Ils vont à la ville et changent un peu de vie
C’est en migrant qu’on peut voir la vie changer
La ferme devient HLM
Le trois pièces, ses commodités
Avec tout le confort d’une vie urbaine
La vie moderne quoi
Pas celle de Tati tout de même
Presque
Du moins nous on y croit
On l’espèreMais la guerre arrive
Trop vite
Trop tôt
Elle met un arrêt à cette modernité
Elle met un arrêt au rêve d’une meilleure vie
Pas celle où l’argent rentre plus vite
Mais juste celle où c’est un peu plus facile
Moins rude
Moins pénibleAlors la famille de Jeannine revient à Lilia
Dans la ferme familiale
Sans eau, ni électricité, ni commodités
Une vie de rien
C’est sans doute ce qu’on appelle la survie
Celle du peu
Du manque aussiAlors Jeannine elle voit tout ça
Elle sent et ressent la marche arrière
Le retour à la case départ
Elle trouve ça un peu injuste tout de même
Et on la comprend
On pleure avec elle
Faut dire qu’en l’écoutant elle devient un peu notre mamie à nous aussiSa vie est cloisonnée à la ferme
Avec le campement Allemand juste à coté
Et eux ils ont le confort de la vie moderne qu’elle avait sur Brest De la nourriture
De l’électricité
De la musique
De la joie aussi
Mais bon, on fait avec quoi
Jeannine elle tente de faire avec
Mais elle a arrêté de respirerAlors quand la guerre se termine elle se dit que ça va repartir
Que le retour sur Brest ce sera le retour du progrès
Mais Brest est sous terre
Et les constructions vont se faire attendre
Alors on se contente des baraquements
Puis du HLMOn est content pour Jeannine car on sent que c’est repartie pour elle
Comme avant la guerre
On a envie d’applaudir et de la prendre dans nos bras
Mais Jeannine va perdre son mari
Encore une guerre quoi
La guerre de l’absence
D’une famille amputée
Et pour Jeannine la famille c’est un tout undissociableMais notre mamie elle lâche rien
C’est un résistante
Elle retourne à la case départ
Pour tout reconstruireJeannine c’est une bâtisseuse
Elle franchit les cols de l’existence avec ses petits pieds
Elle lâche rien
Elle ne subit pas, elle éprouve
Elle se forme par les épreuves
Elle est belle à écouter
À voir aussiOn se dit que Fanny elle a de la chance d’avoir une grand-mère comme ça
Qu’en voulant que sa mamie témoigne elle nous a fait un sacré cadeau
Que sa Jeannine ça l’universalise
Qu’elle devient un peu notre grand-mère à tous et toutesJeannine elle voulait transmettre sa vie qu’à sa famille
Que c’était suffisant pour elle
Qu’il faut savoir rester discrète
Ne pas trop se montrer
Par pudeur et aussi respect des autres membres de la familleElle a raison
Mais Jeannine elle ne sait pas une chose
Avec ce récit elle est devenue la mamie de tout le monde
Et on est aussi un peu de sa famille maintenant
Elle a tout compris Jeannine
Et Fanny elle a bien fait de l’amener à nous
De l’amener à vous "Thomas Troadec, sociologue et réalisateur, agence Catalpa
Nos chemins de Liberté : un projet porté par la Mairie de Plouguerneau avec sa médiathèque « Les trésors de Tolente »
- Équipe municipale, coordinatrice du projet
Yannig Robin, maire de Plouguerneau, Frédéric Moritz, chargé des archives de la mairie et Christine Legal, chef de service Lecture publique, responsable de la médiathèque et du projet Nos chemins de Liberté
- Équipe bénévole en charge des entretiens avec les habitants
Christine Legal, Yannig Robin, Christophe Jacq, Léane Kervella, Cannelle Duniau et Emile Verdier
pour les entretiens en langue bretonne : Yannig Robin et Soazig Daniellou
et pour assister dans les photographies : Nastasja Terrom
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- Conception et réalisation : agence Catalpa - création documentaire et communication
Réalisation, entretiens, podcasts, photographies : Thomas Troadec
Graphisme : Stéphanie Plateau
Musique : Alexandre Varlet
Coordination, communication : Géraldine Genin


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