
Le monde des ombres
Comment sommes-nous si sûrs d'être vivants ?
Qu'est-ce qui nous fait nous sentir vivants ? Et si vous étiez déjà mort, tout en continuant à marcher et à parler ?
Découvrez le syndrome de Cotard, où les patients sont convaincus d'être morts tout en étant conscients, et comment notre cerveau construit notre sentiment d'existence.
Les Chroniques du Bulbe vous invitent à un voyage vertigineux dans les mystères de la conscience. Entre micro-fiction et explications scientifiques accessibles, découvrez comment notre cerveau crée notre expérience du monde.
Ecriture, réalisation et voix : Sonia Cruchon · Musique : Le révélateur / BIRGÉ - ROULLEAU · Illustration : Veronica Holguin Lew - Miloeil
#vulgarisationscientifique #cerveau #perception #conscience #neurosciences #realite #science #psychologie #cognition #syndrome
Qu'est-ce qui nous fait nous sentir vivants ? Et si vous étiez déjà mort, tout en continuant à marcher et à parler ?
Découvrez le syndrome de Cotard, où les patients sont convaincus d'être morts tout en étant conscients, et comment notre cerveau construit notre sentiment d'existence.
Les Chroniques du Bulbe vous invitent à un voyage vertigineux dans les mystères de la conscience. Entre micro-fiction et explications scientifiques accessibles, découvrez comment notre cerveau crée notre expérience du monde.
Ecriture, réalisation et voix : Sonia Cruchon · Musique : Le révélateur / BIRGÉ - ROULLEAU · Illustration : Veronica Holguin Lew - Miloeil
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- vulgarisation scientifique
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- neurosciences
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- réalité
Le monde des ombres · Transcription
Et si notre réalité n'était qu'une histoire que notre cerveau nous raconte ? Les chroniques du bulbe
Ca fait un bon bout de temps que j'attends le bus 23.
Si j’avais fumé j’aurais allumé une cigarette pour le faire venir. Et oui, c’est toujours quand on lâche que les choses espérées arrivent. Mais comme je ne fume pas, je décide d’y aller à pieds. Je serais un peu en retard au cinéma ; c’est pas grave ce film, l’éveil, je l’ai déjà vu.
A peine ais-je tourné les talons que j’entends le bus arriver. Ca a marché.
Le bus est vide à part deux femmes d’un certain âge qui discutent, assises côte à côte. Elles ne font pas attention à moi. Leurs voix passent au-dessus du bruit du moteur ; peut être l’une d’entre elle est un peu sourde.
« Et ça fait combien de temps alors pour vous ?
- 247 jours.
- Ah oui tout de même. Comment est-ce arrivé ?
- Mon cœur qui s’est arrêté pendant mon sommeil. Depuis il continue de battre, mais c’est par pur réflexe ! Et vous ?
- Oh bah moi mon plus gros souci, c’est mes organes, ils se décomposent l’un après l’autre. Ca a commencé avec le foie, puis ensuite la rate, et maintenant c’est les intestins qui sont en train de pourrir. D’ailleurs ça ne vous gêne pas l’odeur ?
- Oh vous savez, j’ai plus d’odorat.
- Vous avez de la chance. C’est atroce cette puanteur de l’intérieur !
- Et vous êtes allée déclarer votre mort à l’administration ?
- J’y suis allée, mais ils n'ont rien voulu savoir. Ils m'ont dit que je ne pouvais pas être morte puisque j'étais là pour remplir les formulaires !
- Ah ça, c'est typique de l'administration ».
Je serais bien restée à écouter la suite de leur conversation, mais j’étais arrivée à destination. Alors je suis descendue du bus, et je les ai regardé s’éloigner puis disparaître.
***
Cette scène à laquelle je viens d’assister n’est pas totalement issue de mon imagination. Ces dames pourraient exister ; et toutes les deux seraient atteintes du syndrome de Cotard. C’est un trouble neuropsychiatrique heureusement très rare ; où les patients sont intimement convaincus d'être morts.
Certains patients vont même jusqu'à affirmer qu'ils n'ont plus d'organes, que leur corps est vide. D'autres sont persuadés d'être immortels - après tout, comment pourrait-on mourir si on est déjà mort ? La logique est implacable.
Les patients peuvent reconnaître qu'ils marchent, qu’ils parlent, qu’ils mangent.
Mais pour eux, ces actions ne sont que des illusions mécaniques, et leur certitude d’être mort est inébranlable.
Cela a à voir avec le film L'Éveil, justement. Vous l’avez vu ? C’est un film adapté des mémoires du médecin neurologue Oliver Sacks. Les patients y décrivent leur état catatonique comme une forme étrange d'existence : ils voyaient, entendaient, mais ne ressentaient rien. Ils n’avaient aucune initiative. Ils se sentaient comme morts.
Cette impression d'être mort tout en étant conscient me pose question. Comment notre cerveau peut-il en arriver à une telle conviction ?
En temps normal, notre cerveau reçoit et traite en permanence des informations sur l'état de notre corps. On connaît bien nos cinq sens qui nous informent sur le monde extérieur, mais notre corps possède aussi tout un réseau de capteurs internes. Ces capteurs nous renseignent en permanence sur notre température, la position de nos membres, notre pression sanguine, l'état de nos organes. C'est un peu comme un tableau de bord qui surveille tous les paramètres vitaux de notre organisme.
Et c’est cette surveillance constante qui créerait notre sensation fondamentale d'être vivant, d'habiter un corps qui fonctionne.
Des chercheurs suggèrent que dans le syndrome de Cotard, ce système de surveillance se dérèglerait profondément. Le cerveau recevrait toujours les signaux du corps, mais ne parviendrait plus à les interpréter comme des signes de vie. Cependant, ce n'est probablement pas le seul mécanisme en jeu. J’ai lu qu’il y a souvent de fortes dépressions associées. Les études suggèrent que ce syndrome résulterait d'une combinaison complexe de facteurs neurologiques, psychologiques et environnementaux.
Le syndrome en lui-même est ahurissant, bien sûr. Mais ce qui est encore plus vertigineux, à mon sens, c’est les questions qu’il soulève.
Comme tout dysfonctionnement, ce syndrome permet de mettre au jour le fonctionnement normal habituel de notre être. Et dans ce cas-là, ça me parle du sentiment d’existence qu’on ne questionne jamais. Enfin, moi en tout cas.
Qu’est-ce qui fait que je suis sure d’être vivante ? Mes perceptions, mes sensations externes, mon tableau de bord interne, mes émotions, mes pensées, mes projets, mes souvenirs ? Tout ça mélangé ?
Et si ce n’est qu’une construction de notre bulbe ?
Comment peut-on être sûr de vraiment exister, en fait ?
Allez, à la prochaine. Et d’ici là, prenez soin de votre bulbe.


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