Marjolaine Leray, autrice-illustratrice - [Un éléphant dans le jardin, janv. 22]

Notre question rituelle

Quel est le livre de votre enfance qui vous a marqué et vous a, peut-être, conduit à créer pour les enfants aujourd’hui ?

« Il y en a plusieurs ; je ne sais pas duquel parler, en particulier. Max et les maximonstres m’avait beaucoup marquée parce qu’on avait fait un spectacle en petite section et que je faisais l’arbre de la forêt qui se levait sur la scène. »

L'introduction de l'entretien

La couverture du livre est à la fois sobre, parce que sans image, et intrigante par sa jaquette noire en forme de toit qui recouvre en partie la couverture rose fluo, et sur laquelle il est écrit : toc toquer ici. On soulève la toute petite porte pré-découpée, et apparait alors une drôle de bouille aux grand yeux curieux, qui demande « Oui, qui est là ? ». C’est la petite créature, dessinée d’un trait énergique en rose et bleu fluo, le personnage principal et unique de ce gros album de quelque 120 pages, intitulé tout simplement La petite créature. Il est réalisé par l’autrice illustratrice Marjolaine Leray, et il a paru cet automne aux éditions Courtes et longues. Et voici cette petite créature qui, dès la première page, dès la couverture en fait, engage la conversation avec le lecteur ou la lectrice, l’invitant non seulement à l’accompagner dans le livre, mais à interagir avec le livre, secouer, gratter, plier, pencher selon les exigences de la petite créature... Car elle est exigeante, cette petite créature, elle joue, pose des questions impossibles, se met en colère sans raison, réclame des histoires « Oui, j’écoute », « Tu veux bien souffler pour faire disparaitre ces traces ? Encore un peu... Waoouh, tu es un ouragan, attends deux secondes je me recoiffe »...

Des livres qui invitent ainsi les jeunes enfants à entrer en interaction avec le livre lui-même, à jouer avec une sorte de mise en abime du livre dans le livre, il s’en fait de plus en plus souvent, mais celui de Marjolaine Leray est à la fois drôle, inventif, mais surtout fait fonctionner l’imaginaire de façon astucieuse et facétieuse, pour s’amuser avec tous les codes de la narration et du livre lui-même. Comme cette séquence où l’enfant est sollicité par la petite créature coincée dans la pliure du livre et se retrouve dédoublée en deux couleurs qu’elle n’arrive pas à re-superposer. Tout est centré sur la petite créature, dessiné d’un tracé presque enfantin, très spontané, en deux couleurs rose et bleu vif, qui se détachent sur le blanc de la page, tout comme les dialogues, enfin, les questions et commentaires de la petite créature, écrits à la main dans les mêmes couleurs. Sans oublier les « systèmes », entre guillemets, comme le vernis sélectif brillant comme de l’eau qui mouille, les trous pour laisser passer la lumière, l’encre phosphorescente figurant un monstre de cauchemar, la coupe biseautée d’une page pour laisser passer le vent et autres astuces techniques avec l’objet livre lui-même qui rajoute au plaisir de lecture. C’est drôle, astucieux et inventif.

Marjolaine Leray conçoit des albums pour les enfants depuis 2009, année où a paru Un petit chaperon rouge, aux éditions Actes Sud junior. On y retrouve déjà son même trait énergique, sans détails inutile, et son humour malin.
La petite créature a reçu le soutien du Département du Val-de-Marne, et il sera offert à tous les enfants qui vont naître en 2022. Un livre pour grandir, c’est ainsi que s’intitule cette action qui se renouvelle chaque année depuis une trentaine d’années, vise à encourager la création littéraire et à sensibiliser les familles au livre dès la naissance.
C’est à Montreuil, au tout début décembre, que j’ai rencontré Marjolaine Leray, venue de Nantes. Nous nous sommes installées à la bibliothèque Paul Éluard, qui nous avait réservé un endroit au calme. Micro.